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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE

Le Cap français, mai 1791.


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J’ai allumé tous les flambeaux, puis je me suis mise à écrire sur mon lit, après avoir fermé le moustiquaire. J’aurai moins peur à présent.

La nuit m’a semblé si brusque ! Oh ! je me rappellerai toujours cette sortie de l’église, ce jour décoloré, cette allée d’acajous dont le feuillage m’apparut terne et flétri. Il soufflait un vent frais, et j’ai respiré, sous le porche, une odeur exquise, la même odeur que Mme Du Plantier, l’autre soir, m’a fait respirer sur son corsage. On eût dit que la traîne de sa robe s’était longuement attardée sur ce seuil. Eh bien ! je me sentais oppressée comme par un air brûlant, corrompu. Et, lorsque le soleil est tombé dans la mer, que l’obscurité nous a envahis, j’ai cru que mon châtiment était venu et que j’allais, à ce moment même, cesser de vivre. Mon Dieu ! avant de m’appeler, laissez-moi du moins m’expliquer avec vous, entendez ma confession. Épargnez-moi si je n’ai pas tout dit à votre ministre : je ne le pouvais pas !