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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


goût, qu’une saine et facile nourriture, je ne m’inquiétais pas de la cause de ces souffrances et je tâchais de les supporter le plus patiemment possible.

Une après-souper, mon mal, à la suite d’élans violents et inattendus, semblait s’être calmé. Devant la véranda je jouissais avec délices des derniers rayons du soleil. La fraîcheur était venue ; les machines de la sucrerie étaient arrêtées ; les chants des noirs emplissaient la plantation. Je me sentais rassurée, confiante. Non, me disais-je, les craintes que j’ai eues le soir de ma visite à Dodue-Fleurie sont vaines. Nos esclaves nous sont soumis. Et, au Cap, on n’ose rien entreprendre contre moi. À mes côtés, Antoinette, fatiguée de la journée qui avait été fort chaude, s’était étendue ; elle dormait doucement, la tête appuyée sur les genoux de Zinga qui, elle aussi, s’était assoupie. Zinga se montrait depuis quelque temps si attentive à nous servir, Antoinette et moi, que je lui avais pardonné une passion, à mes yeux, inoffensive. Loin de suivre les conseils de Dodue-Fleurie, je ne l’avais point envoyée aux travaux de la plantation, je la gardais auprès de moi. Pourtant j’avais accepté une esclave que m’avait envoyée la courtisane pour veiller sur Antoinette ; lorsque Zinga s’en allait au Cap elle ne devait pas quitter ma fille un instant. Figeroux seul était de ma part l’objet d’une étroite surveillance, et j’attendais pour le renvoyer d’avoir trouvé son remplaçant.

Zinga, près d’Antoinette, me paraissait plus jolie ; elle l’enlaçait, et ses mains, un peu lourdes, venaient