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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


dans la rue et même, prétend-on, l’a fait battre dans sa maison par deux noirs, s’est réconciliée subitement avec elle ; elles sont venues chez moi cet après-midi en compagnie du révérend Goring, dont elles se moquaient si bien naguère.

— Ma chère amie, m’a dit Mme de Létang en se composant un visage sévère, j’ai une pénible requête à vous adresser, mais j’espère que vous comprendrez quels sentiments désintéressés me l’inspirent. L’amitié même que je vous porte me l’a rendue nécessaire, et je dois ajouter, la pitié que nous devons avoir pour nos semblables malheureux et persécutés.

Satisfaite de ce préambule, elle eut un coup d’œil rapide vers Mme Du Plantier et Samuel Goring qui, d’un signe de tête, marquèrent leur approbation et l’engagèrent à continuer.

— Il court de fâcheux bruits sur vous, madame…, oui, de très fâcheux, et nous avons pensé qu’il était de notre devoir, étant de vos amies, de vous en avertir. Nous voudrions prévenir, si possible, une accusation au Conseil colonial, accusation qui est imminente, et qui pourrait avoir pour vous les conséquences les plus déplorables.

J’étais fort troublée, mais je déguisai assez bien l’émotion que j’éprouvais, et ce fut de l’air le plus étonné que j’accueillis l’« avertissement ».

— Pour aller de suite au fait, dit Mme de Létang avec vivacité, je vous dirai qu’on vous accuse de séquestrer une jeune fille et de confisquer sa fortune.

— Séquestrer Antoinette, fis-je en partant d’un