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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE

— Saleté, cria-t-il en la menaçant, tu m’avais dit que tu viendrais…

— Bien, suis-là !

— Que tu viendrais, reprit-il, pour encourager Goring.

— Étais là, suffit ! Pour embrasser li, peux pas. Li sent trop la maladie.

Des cris s’élevèrent. Deux ou trois mots que je ne compris pas furent plusieurs fois répétés.

— Les porcs, dit Figeroux, après avoir prêté l’oreille ; ils fixent la date de l’insurrection ; ils la feront sans nous.

Ces paroles m’effrayèrent et j’allais interroger Dodue lorsqu’une longue file de noirs, de négresses et de négrites se tenant par la main et courant, les uns derrière les autres, nous heurtèrent et nous séparèrent brusquement de Zinga, de Dubousquens et de Figeroux. Deux vieillards, élevant à bout de bras des serpents, suivaient ces coureurs. À un claquement de mains des vieillards la bande forma autour d’eux une ronde de trois rangs et se mit à danser, les hommes tournant le dos aux femmes et se heurtant violemment de la croupe tous les trois pas.

— Ils nous empestent ! fit Dodue, allons-nous en.

— Vous avez, dis-je, plus peur de ces Bozales que des visiteurs de votre salon.

— Nullement ! répliqua-t-elle en affectant une expression d’indifférence.

— Néanmoins vous ne les gouvernez pas aussi aisément !