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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


cés de lui vendre à bas prix. Telles sont les façons d’agir de nos affranchis ! Ce sont, je vous le répète, des hommes abominables.

— À vrai dire, observa le docteur, si j’avais une plantation, je préférerais vendre ma récolte à bas prix que de la voir incendiée. Et, coquins pour coquins, j’aime mieux ceux qui font croire à l’abondance d’un produit que ceux qui le suppriment complètement. Qu’en pensez-vous, jeune poète ?

— Je ne connais pas les affaires, dit le chantre des tourterelles, et je n’ai pas encore l’expérience des hommes ; du moins suis-je plein de zèle et d’ardeur pour servir la société.

— Ne vous empressez pas trop à servir ses caprices, mon jeune ami, dit le docteur, car elle en change sans cesse, et le lendemain elle a horreur de ceux de la veille.

— Et vous, Montouroy, dit Léveillé, vous ne prenez parti ni pour les noirs ni pour les blancs, ni pour les affranchis ?

— Je prends parti pour les honnêtes gens, répliqua Montouroy. Je suis évidemment pour l’affranchissement des noirs, mais aussi pour que les noirs respectent les intérêts et la fortune de leurs bienfaiteurs.

— Fourbe et sot ! s’écria Dodue-Fleurie à demi-voix. Restez encore ici un instant, madame, me dit-elle, et vous allez voir comme je le traite.

Elle sortit alors de la logette et apparut à la porte du salon.

— Toutou, appela-t-elle en tournant à demi le der-