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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS

Et comme le regard de Tallien, radouci mais défiant, allait de la maîtresse à la servante :

— Allons ! embrassez-vous, et que ça finisse !

Thérésia, vautrée sur le lit, à demi riante et à demi boudeuse, voyait Tallien hésiter, glissait, se haussait vers lui, souple et massive, et d’une bouche chaude, molle, agrandie, lui buvait un baiser.

— Ne recommence plus, disait Tallien, ça fait trop mal !

— Mes caresses ?

— Non, ces lettres…

— Mais ce n’est pourtant pas ma faute si on m’écrit, répliquait Thérésia de cette voix claire des Espagnoles du nord, résonnante comme un roulement de tambour.

Thérésia ne cachait guère son existence. Sauf les grâces accordées aux suspects qu’il fallait naturellement tenir secrètes si on ne voulait pas risquer sa fortune et plus encore, elle ne laissait rien ignorer de son ménage avec Tallien, de ses amours passées et de ses amoureux du moment. Sa cour d’admirateurs aussi bien que ses domestiques se chargeaient de colporter, avec les menus faits de sa maison, les médisances qui se succédaient sur ses lèvres. L’aventure de la lettre fut bientôt la fable de la ville.

Cet amant méprisé se nommait Dubousquens. C’était un des plus riches négociants de Bordeaux,