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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


son frère frappait à poings fermés cette canaille, il me poussa sous la tente d’un marchand, dressée juste en face d’une petite allée qui heureusement était déserte. Nous nous échappâmes par cette issue. Quand nous fûmes loin des brutes, je m’arrêtai pour arranger mes vêtements. J’étais toute meurtrie, et ils avaient déchiré ma robe. Tandis que, le jupon retroussé, je réparais tant bien que mal le désordre de ma toilette, Zozo vit, sur le haut de ma jambe qui était découverte, des gouttes de sang ; alors ce bon petit être colla ses lèvres sur ma blessure et la lécha. Je fus bien touchée de cette marque d’affection, et je l’en remerciais, quand des voix gutturales partirent autour de nous, jacassantes et criardes. Je me serais crue transportée au milieu d’une volière immense de perroquets. C’étaient une troupe de noirs qui passait ; elle nous rejeta contre une maison. Ils n’étaient pas très nombreux, mais ils emplissaient la ruelle d’un bruit énorme ; leurs pieds nus résonnaient sur la terre comme des claques sur une peau nue ; ils chantaient ou plutôt ils criaient sur une mélopée monotone de trois notes cette bizarre complainte :

Tili saba, a kouma
I soumousso akha gni
  I assan nté
— Nté : Moosso a bé fourou
— Nieba, baguifing debenta
  Nté ndimata.

Hé gni tubabulengo
Ouory a sota abé