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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


en colère gronda aussitôt et nous entendîmes une vigoureuse claquade puis des cris, des sanglots.

— Je t’apprendrai, disait la voix, à ne pas venir quand on t’appelle.

— Mais je n’entendais pas.

— Tu n’entendais pas ? C’est donc qu’il t’ensorcelle, pour que tu ne penses plus à le quitter ! Sais-tu combien de temps tu es restée avec lui ? Et qu’est-ce qu’il t’a donné pour ta peine ?

Nous étions sortis de notre cachette et nous assistions de loin à l’algarade. Zinga levait le bras pour se défendre la figure contre les coups. Mon commandeur, Joseph Figeroux, était à côté d’elle, et le docteur, à mi-voix, me faisait observer l’expression féroce du mulâtre. Il est singulier que moi, qui l’ai tous les jours, à toute heure, devant les yeux, ce soit la première fois que je remarque sa physionomie. Je la trouve astucieuse, fausse ; elle annonce aussi, par moments, une décision cruelle et hardie, que rien n’arrête. Comment ne m’a-t-elle pas frappée plus tôt ? Figeroux a donc employé un sortilège pour m’aveugler, et pour aveugler Zinga, car qui peut attacher cette femme à un être pareil ?

En vain Figeroux eut pour père un blanc, en vain est-il affranchi, son visage, bien plus que celui de Zinga, garde les caractères de dissimulation et de cruauté de certains Africains. Il ne rappelle pas ces belles races sénégalaises qui ne diffèrent des nôtres que par la couleur, mais plutôt ces tribus sauvages de la Guinée, qui, dit-on, boivent à certaines fêtes