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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS

Après deux grandes heures de marche, des ombrages de plantations apparurent, des indigotiers, agités un instant par la brise de mer, nous éventèrent par dessus les palissades, et des feuilles légères, détachées de l’arbuste, vinrent courir sous nos pieds. Nous goûtâmes l’ombre et l’odorante fraîcheur. Un parfum de vanille remplissait l’air tandis qu’une neige blanche, s’échappant des massifs, volait devant nos yeux. On ne voyait personne, comme si tout le monde, maîtres et esclaves, eussent été endormis. Cependant, au milieu des champs de cannes, s’entendaient les ciseaux d’élagage, et, sur l’écorce des cacaoyers, le claquement sec de la rigoise qui tue les insectes rongeurs.

Zinga, apercevant les maisons du Cap, s’arrêta devant des sterculias qui étendaient jusque sur la route leurs grandes feuilles contournées ; s’étant troussé la candale et la jupe, elle s’accroupit et pissa, puis nous la vîmes attirer un flacon de son sein et s’oindre la croupe, le ventre et les jambes. L’odeur était si forte qu’à cinquante pas nous en étions comme grisés. Ayant vidé sur son corps le flacon, elle le lança derrière elle, et reprit sa marche.

— C’est sa toilette d’amour, dis-je au docteur.

— Elle est, ma foi, bien faite, pour une négresse, fit-il pensif.

— Allez-vous donc, répliquai-je en riant, vous convertir à la négrophilie, comme le révérend Samuel Goring !

Mais il releva la tête et étendant la main, d’un geste solennel :