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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


faut le croire. La loi a souvent la vue claire, mais le regard trop rapide ; elle ne distingue que les ensembles ; pour se familiariser et s’assouplir aux variétés de l’existence, elle a besoin de l’armée des légistes. Mais aux colonies nous ne connaissons pas ces animaux-là !

— Fort heureusement, dis-je.

Il leva les yeux et attacha sur moi un regard fixe, Mon cœur battait plus fort. Se doutait-il de ma complicité ? Était-il venu m’arracher des aveux ? Mais je vis bientôt l’absurdité de mes craintes. Le bon docteur ne soupçonnait rien. Déjà il s’était remis à me parler de Figeroux.

— Tout l’accuse, reprit-il. C’est seulement le surlendemain du crime que Figeroux est venu annoncer la mort de son maître, M. Mettereau, et s’engager chez vous en qualité de commandeur. Le médecin, mon confrère Pasdeloup, a trouvé le corps en putréfaction ; on avait essayé de l’embaumer. Figeroux, m’a-t-on raconté, avait voulu d’abord le faire disparaître, puis il s’était décidé à le garder sous clef jusqu’à l’arrivée de Mme Lafon à Saint-Domingue. Il s’était sans doute proposé d’accomplir le triple assassinat le même jour, mais le navire qui amenait les dames Lafon subit en route des avaries et fut obligé de faire relâche. Le voyage fut ainsi beaucoup plus long qu’il n’aurait l’être, ce qui déjoua les projets du misérable.

— S’il est réellement l’assassin de Mme Lafon, dis-je, c’était bien maladroit de se rapprocher d’Antoinette. Il n’ignorait pas, en effet, quand il est venu