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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


zales, récemment débarqués par la traite et que vous affectez de considérer comme des êtres raisonnables. Le mot de liberté à telles oreilles signifie incendie, pillage, viol et massacre. L’ivresse que leur versent vos beaux discours se communiquera aux autres. Tout ce troupeau qui ne craint plus le fouet, va se précipiter avec délices dans la barbarie.

— Nous l’en empêcherons bien !

— Il sera trop tard, madame. Déjà M. de Larnage n’a plus chez lui que son commandeur. Tous les noirs de sa plantation se sont enfuis.

— Et où sont-ils ?

— Dans les montagnes où, paraît-il, une armée s’organise. Et j’ai d’autres exemples du même genre à vous citer. Mme Dufourcq vient d’être assassinée par ses esclaves ; ce matin même, j’apprends qu’on a pillé la maison du gouverneur en l’absence du maître et sous les yeux de l’intendant, désarmé ou complice.

— Mais ce n’est pas la première fois qu’on voit de pareilles aventures. Elles sont plus ou moins fréquentes : voilà tout.

— Vous avez trop d’insouciance des événements qui ne se passent pas sous vos yeux pour pouvoir les juger. Ils ont, à mon sens, une importance extrême.

Nous étions arrivés au pavillon ; après une telle causerie j’hésitais à y entrer, de crainte de la continuer encore. Je lui demandai d’un ton assez impertinent :