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me place où il s’était assis la veille, comme s’il ne m’avait pas un instant abandonnée.

— Eh bien, fit-il d’un air joyeux en voyant que je cherchais à me lever, on n’est plus malade, on ne souffre plus ; je le savais : le baume d’Arrivabene est infaillible.

Je trouvai à côté de moi, sur un banc, un costume neuf tout préparé dont je me revêtis à la hâte. J’étais pressée de savoir ce qu’on avait décidé à mon sujet, et comment allait Guido, toutes choses dont Arrivabene ne voulait rien me dire ; mais quand je fus dans l’escalier, je tremblai de rencontrer le cardinal, l’abbé Coccone ou mon bourreau, le moine à tête de mort, et je sortis du palais.

C’était l’heure du dîner ; il n’y avait personne dans les rues. Je marchais un peu à l’aventure, espérant que le mouvement me ferait oublier mon inquiétude. Après avoir dépassé Saint-Paulo, j’arrivai sur une petite place que borde, d’un côté, le canal de la Madone. Au pied de l’escalier qui descend au canal, se trouve une sorte de chaussée d’où s’élancent les enfants qui désirent prendre un bain. J’étais venue là bien souvent, avec les bambines de mon âge, plonger comme un chien et, d’une pluie d’écume, arroser mes voisines. Cette fois, de même, je voulus rafraîchir mes membres brûlants et courbaturés. Le flot me tentait, comme argenté de palpitantes écailles. Profitant de la tranquillité de l’endroit et de ma solitude, je me déshabille et, tendant les bras, je me jette d’un bond dans le canal, heureuse, ainsi qu’une petite fille, du bruit, du jaillissement, puis de la douceur de l’eau.

Je nageais depuis quelques instants, lorsque je remarquai des raies livides sur mes bras et mes épaules. À me voir le corps ainsi endommagé, je fus accablée de honte, et, craignant que de mauvais