Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/96

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et, de toutes mes forces, j’en frappe Guido au front, puis, le voyant tomber, je brise la croix, j’en lance à terre les débris, je les écrase, je les disperse du pied.

Frère Gennaro demeurait immobile comme si l’émotion l’avait changé en pierre. Tout à coup, m’écartant avec violence, il se baissa pour ramasser les morceaux de la croix. Ses mains tremblaient, les larmes lui coulaient des yeux ; à chaque fragment retrouvé, il poussait un soupir et, d’une voix éteinte :

— Mon Jésus ! disait-il, comme pour implorer son pardon.

Mais quand il aperçut le reliquaire brisé et qu’il ne vit plus la petite touffe de laine jaunie prise à la robe de son maître, il parut suffoquer de douleur et tira de son sein des gémissements qui remplirent tout le palais.

J’étais si épouvantée de ce que je venais de faire, que je ne tenais plus sur mes jambes. Les lamentations du frère me déchiraient le cœur et je ne pouvais détacher mon regard du corps de Guido, étendu, la face sanglante, en travers de la chapelle.

Cependant le frère, qui, tout à sa pieuse recherche, paraissait m’avoir oubliée, leva les yeux et m’aperçut. Il se redresse aussitôt, s’élance sur moi, me saisit par les épaules et me pousse dans le vestibule. N’ayant plus aucune force, je m’abandonnais à sa brutalité, sans penser que la rage prêtait à ce squelette de moine la vigueur d’un Hercule et lui inspirait le désir de l’éprouver à mes dépens. En effet, je ne fus pas plutôt sortie de la chapelle qu’il me jeta contre un pilier, m’y lia les mains avec sa cordelière, arracha mon pourpoint, déchira mes chausses et alla chercher le fouet qui servait à châtier les lévriers du cardinal.

Je passai un moment d’horrible angoisse dans l’attente de mon supplice.