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encore là au moment de leur sortie ; ils n’eurent pas un regard pour moi, et avant que j’eusse le temps de me relever, ils enjambèrent mon corps et redescendirent. Le frère s’appuyait sur l’épaule de Guido qui réglait son pas sur celui de son maître et semblait fier de marcher à côté de lui.

Ils entrèrent à la chapelle du palais, où je me glissai derrière eux. Là, s’étant prosternés, ils s’approchèrent à genoux d’une petite lampe qui, par cette soirée pluvieuse, répandait seule quelque lumière dans la nef tout assombrie d’épais vitraux. La lampe éclairait un autel sans ornements, surmonté d’une croix en bois grossièrement sculptée.

Le frère l’avait reçue de Girolamo lui-même ; il y avait joint un reliquaire contenant un morceau de la robe que le dominicain martyr avait portée dans sa prison. Monseigneur Benzoni, indulgent à toutes les fantaisies humaines, avait permis à Gennaro, malgré les reproches indignés de l’abbé Coccone de fonder chez lui cette nouvelle dévotion.

Ils avaient commencé d’ardentes prières. Après s’être adressés à Dieu, puis à la Madone, ils implorèrent aussi le secours du moine ferrarais.

— Bienheureux frère Girolamo, s’écriaient-ils ensemble, ô vous qui êtes au ciel, ayez pitié de notre misère, donnez-nous votre saint courage pour combattre le péché, pour résister au Diable.

Je ne sais si je dois attribuer à mon ardeur jalouse l’émotion que je ressentis, mais Guido, en prononçant le mot « péché », me jeta dans la même colère que s’il m’eût craché à la face. La dernière nuit, il m’avait appelée fille de péché : c’était donc bien moi qu’il regardait comme son ennemie, son crime, son démon ! Atteinte au vif de mon amour, révoltée contre ce Dieu qui m’enlève l’être que j’adore, je cours à l’autel, saisis la croix