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— Pauvres enfants ! disait-il d’une voix tremblante comme s’il allait pleurer, quelles erreurs souillent votre esprit, et quand la Vérité luira-t-elle comme un soleil pour vos yeux !

— Et qui nous empêche donc, mon frère, de l’apercevoir ?

— L’Esprit du Mal, mes pauvres enfants ; et l’Esprit du Mal n’a pas qu’une seule forme ; il est aussi varié que les nuages du ciel et les flots de la mer. Il n’y a qu’un moyen de le vaincre : c’est de renoncer à toutes les tentations de l’existence. Tenez, Nichio, (c’est ainsi que je m’étais fait appeler), pourquoi porter au cou des ornements inutiles et qui blessent la modestie ? (Ce disant, il m’arrachait un petit collier et l’écrasait sous ses pieds.) Imaginez-vous que le culte extérieur ne compte pour rien aux yeux de Dieu, s’il n’est accompagné du culte intérieur. Il ne s’agit point tant d’adresser au ciel telle ou telle prière ou de croire à tel ou tel dogme que de se montrer charitable envers les pauvres qui sont, sur terre, la vivante image de Dieu.

— Mon frère, est-ce que Dieu ressemble au vieux Policarpo qui vient chaque samedi mendier à la porte du palais et qui est si laid ?

— Le père Policarpo n’est laid que parce qu’il ne reçoit pas l’aumône. C’est l’indifférence des hommes qui a rendu les formes de son corps hideuses à leurs regards, mais, pour qui voit son âme, je vous assure, Policarpo a plus de beauté que vous ne pouvez même vous l’imaginer. Ainsi, donnez-lui sans compter.

— Mais, mon frère, nous n’avons rien à lui donner.

— Il faut alors vous mortifier la chair, retrancher de votre nourriture, de votre sommeil et vous préparer, par une vie de pénitence, à la vie glorieuse