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— Vous ne vous trompez pas, répondit le moine, mon père était bien tailleur de son métier et, de plus, c’était le meilleur homme du monde.

— Le ruffian de ma figue ! il m’a fait payer deux fois une robe que j’avais eu la sottise de lui acheter. Un jour, comme je me trouvais dans la sacristie de Saint-Antonio en conversation avec le curé, et que nous étions tous deux déshabillés à cause de la grande chaleur, il se glissa, je ne sais comment, auprès de nous et m’emporta mes jupes, ma coiffe et jusqu’à ma chemise, sous prétexte que je ne me pressais pas assez de lui donner son argent. Il me fallut traverser l’église et revenir chez moi toute nue. Quelle honte ! Du fond de leurs niches, les bienheureux n’eurent pas l’air de me voir, mais je vous laisse à deviner comment m’accueillirent les jeunes gens auxquels je réclamais un ducat pour seulement regarder le bout de mon pied, et surtout les vieilles béguines qui ne pardonnaient pas à mes seins d’avoir autant de constance que leur âme ! Après avoir subi d’ignominieux traitements, je fus contrainte de quitter Padoue où je gagnais honnêtement ma vie en élevant ma fille. Et rien de tout cela ne serait arrivé sans ton ladre de père. Je ne sais ce qui me retient de me venger sur toi !

— Vous auriez grand tort, ma bonne Pestamonna, répondit tranquillement Arrivabene, car si le père a pris de l’argent aux courtisanes, le fils leur en a bien rendu. À propos, mesdames, voulez-vous que je vous récite l’admirable sermon que j’ai composé pour le père Antonio, un soir qu’il était malade ?

— Non ! Non ! crièrent les femmes.

Sans s’occuper des protestations, Arrivabene continua :

— Le père Antonio me disait une fois : « Arriva-