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— Comment ! on élèverait un autel à cette truie, à cette drogue, à ce poison ! Que Sa Seigneurie en soit certaine, du jour où je le verrais béatifier, ce prédicateur de mon cul, je douterais du Saint-Père, de l’Église et du Christ ! Ah ! il faudrait en avoir, du courage ! Je l’avoue franchement, je ne regrette qu’une chose, c’est qu’on ait pendu cette canaille de telle sorte que le bûcher ne put dévorer que sa vilaine carcasse : j’eusse voulu que la flamme attaquât sa chair vivante, j’aurais souhaité qu’il rôtît à petit feu, le brigand, le lâche assassin qui a demandé la mort des bienfaiteurs de Florence, causé le suicide de mon père et m’a forcé de quitter ma chère ville natale !

Pendant que le florentin parlait, Frère Gennaro avait peine à ne pas manifester son émotion. Sans savoir ce qu’il faisait, il vidait, au grand amusement de l’assistance, les pleines coupes de Trebbiano que sur l’ordre de l’archevêque nous lui versions, et il dévorait, en un clin d’œil, au risque d’étouffer, les viandes, les fruits, les gâteaux qui se succédaient sans interruption sous ses yeux. Mais quand il entendit les dernières insultes et les souhaits féroces de Nicodemo Meliaca, il ne put demeurer tranquille, il se leva en chancelant et, d’un bond, il se jeta sur le cuisinier. Avant que personne eût le temps de le prévenir, il le saisit à la gorge et lui frappa à plusieurs reprises la tête contre la muraille.

— Enragé ! abominable enragé ! répétait-il, je t’apprendrai à dire du mal de mon doux, de mon tendre, de mon vénéré maître !

Le vieux Nicodemo, terrifié de cette attaque soudaine et croyant sa dernière heure venue, demandait grâce d’une voix éteinte.

Tout le monde se leva de table ; et Arrivabene, aidé