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gnation inutile et que je regrette déjà. La vérité n’a pas besoin de bouillants défenseurs. Que nous importent les préférences de ce moine grossier ! Il peut admirer à son aise les images incohérentes du Psalmiste : nous, mes amis, répétons les vers divins de Pétrarque et de Virgile, oublions l’éloquence rustique des apôtres pour Cicéron, ce prince du beau langage, et laissons se moquer les imbéciles.

Et rident stolidi verba latina Getæ.

Coccone leva le nez et, sans regarder son interlocuteur, avec un mouvement en arrière de la lèvre inférieure qui produisait, à chaque parole, un petit sifflement d’aspic :

— Votre révérendissime seigneurie, dit-il, oublie que Sa Sainteté l’a nommé son légat dans la République de Venise ?

— Sa Sainteté, soyez-en sûr, est un trop galant homme pour ne pas m’approuver, quand je suis à table, de mettre en oubli mes fonctions. Je dois à mes hôtes de les divertir comme un mari doit à sa femme de lui causer d’amour, plutôt que de l’entretenir du métier plus ou moins vil qui lui procure l’existence.

— Et qui sont donc vos hôtes ?

— Mais, seigneur abbé, ce ne peut être vous qui êtes notre secrétaire, ni ce moine qui reste ici pour s’instruire de la vraie religion, ni Arrivabene, ni les officiers de notre palais. Notre hôte, c’est ce cher Paolo Fasol, que nous embrassons aujourd’hui devant vous, en attendant l’heure glorieuse de lui décerner, en présence de Venise entière, la couronne d’or que mérite son génie.

Et le cardinal, appuyant les mains sur les épaules