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— Tu n’as pas entendu son aveu ?

— Je ne l’ai pas compris comme toi.

— Tu ne comprends jamais rien de ce que disent les femmes. Il n’y a pourtant pas à s’y méprendre : Polissena est amoureuse de moi. Que ferais-tu à ma place ? Tu ne repousserais pas ses avances, n’est-ce pas ? Je sais bien que si je profite de ses bonnes dispositions, je commets un péché mortel, mais j’en ai déjà un sur la conscience. Or, du moment qu’on en a un, il n’y a pas de raison pour qu’on n’en ait pas cent.

— Je vois, Arrivabene, que si tu vas dans l’Enfer, tu tiens à le mériter…

— Je n’irai pas ! je n’irai pas ! je suis un trop excellent chrétien. Aujourd’hui, c’est vrai, je réponds aux politesses de cette fille. ; mais demain, sans faute, je me réconcilie avec le bon Dieu. Ne crois pas d’ailleurs que le bon Dieu soit très fâché : on se brouille, on se raccommode ; ça l’amuse !

Nous revînmes vers Nichina qui nous plaisanta de notre absence.

La lune, s’épandant sur le monde voilé, créait des formes nouvelles, brillantes et confuses. Une large lumière éclairait le groupe des jeunes femmes et leur donnait la beauté morte des statues. Devant le ciel semé de lueurs obscures et argentées, devant l’herbe vague, le jardin gris, les pâles feuillages et les vastes nappes d’ombre qui s’allongeaient autour des grands arbres, seule Nichina semblait vivante et, de ses gestes, de sa voix, prêtait une âme à la Nuit.

Elle continua de la sorte :