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— Je t’ai trompé avec cet homme ; veux-tu que je le trompe avec toi ? Ce sera une compensation.

— Je veux bien, Carlona, mais dans combien de temps aurai-je envie de te jeter par la fenêtre ?

— Ce ne sera plus toi qui m’y jetteras, ce sera mon mari.

— Alors je suis tranquille.

— On ne sait pas, dit-elle ; qui peut répondre d’un amoureux ?

— Il t’aime donc ?

— Des fois : quand il a bu son malvoisie.

Elle me dit que depuis notre dramatique entrevue, elle avait eu de mes nouvelles par un frère mineur qui était son directeur de conscience et avait béni son mariage. Elle m’apprit aussi que le Père Antonio venait de mourir en odeur de sainteté.

— Cela ne m’étonne pas, répliquai-je ; les bienheureux attendent le jour de leur mort pour sentir bon… Mais tu es donc devenue dévote ?

— Oh ! fit-elle, j’aime bien aller dans les églises l’été. Il y règne une si délicieuse fraîcheur. Et puis, quand je m’agenouille dans le confessionnal très sombre, cela me rappelle les jours de mon enfance où l’on me mettait en pénitence dans le cabinet noir… Mais, ajouta-t-elle, regarde comme le ciel est beau. Une petite partie amoureuse ne serait pas désagréable aujourd’hui. Il me semble que, depuis que tu es moine, tu dois avoir envie de goûter aux anciennes voluptés. Tiens ! touche-moi. Est-ce que j’ai changé ?

— Tu es toujours la plus belle des femmes, dis-je, après m’être assuré que la chair gonflait ses robes avec la même magnificence qu’autrefois.

— Oh ! mon mari ne m’a pas fait maigrir. Je ne l’aime point.

— Pourquoi donc m’as-tu trompé avec lui ?

— Je voulais voir si je pourrais l’aimer. Mais ne