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aventurier. Je suis au service, pour l’instant, du capitaine Schifkat.

— Celui qui a failli le prendre à Nichina ?

— Celui-là même. C’est un excellent homme. Tu n’as pas idée des dîners qu’il vous sert. Il a du Chypre tel que je n’en ai jamais bu d’aussi bon.

— Et à quel titre es-tu au service du capitaine Schifkat ?

— Je suis son médecin.

Je me demandai si je ne rêvais point.

— Comment ! repris-je, Arrivabene, tu as jeté le froc aux orties et tu es médecin d’un maure !

— Permets : j’ai jeté le froc aux orties pour qu’on n’y jetât point ma peau. D’ailleurs il ne faut pas croire, mon frère, que les maures soient des gens sans religion. Schifkat, en particulier, en sait fort long sur le bon Dieu. Quand je m’imagine qu’il se trompe et que je veux le réfuter, je ne me rappelle plus une ligne des Évangiles, tandis qu’il a toujours à la bouche des paroles du Prophète. Ah ! c’est un homme fort instruit.

— Et ta malheureuse sœur qui t’avait déjà converti une fois !

— Elle priera pour ma seconde conversion. Les nonnes n’ont rien à faire : ça l’occupera.

— Mais comment peux-tu être médecin, mon pauvre Arrivabene ?

— J’ai été quelque temps domestique chez le docteur Cornelio Griffo, l’ami de Vesale et le médecin de Nichina. Il m’a appris divers préceptes de l’École de Salerne ; et puis je l’ai vu couper des jambes. Alors, quand Schifkat est inquiet sur sa santé, je lui dis, par exemple :

Mingere cum bombis
Res est saluberrima lumbis.