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avant vous pour que sa fortune passât entre des mains chrétiennes. Vous vous seriez remariée ensuite. » Costanza, voyant qu’elle ne pouvait obtenir du monde la considération, n’a plus songé qu’à s’enrichir. Elle fait maintenant concurrence à la Bombarda et s’occupe de fournir des maîtresses discrètes et de bon ton au clergé. Je suis allée un jour lui demander de me trouver un amant. Elle m’a jetée à la porte, disant que je manquais trop de tenue pour prétendre à un pareil honneur.

— Pauvre Cietta !

Nous entrâmes à la villa, et ma sœur, passant devant la cuisine, respira le parfum du rôti qui cuisait. Comme elle avait faim, elle eut un mouvement voluptueux de narines et tourna le visage vers la fenêtre, où elle aperçut maman qui écossait des pois. Elle s’avança pour l’embrasser.

— Te voilà, Lucietta, s’écria maman sans s’étonner de la voir, bien qu’il y eût six ans qu’elles ne se fussent rencontrées. Elle lui rendit son baiser, puis reprit sa tâche.

— Pourquoi la mets-tu à la cuisine ? me demanda ma sœur.

— Et où veux-tu que je la mette ? Il faut bien qu’elle fasse quelque chose. Elle s’ennuierait à rester oisive. Et je ne peux pourtant pas lui donner les poésies de Pétrarque, puisqu’elle ne sait pas lire, ni lui confier une harpe, car elle serait capable de la prendre pour un appareil à étendre le linge. Laissons-la écosser des pois. Elle trouve cela très divertissant, je t’assure !

— Et moi, où me mettras-tu ?

— Où tu voudras, petite sœur ; tu courras même les hommes si cela t’amuse encore !