Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/454

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ne me touche pas, charogne ! continua le prégat. Je ne veux pas que mon épée se souille de ton sang. Car tu n’es bon qu’à être bâtonné par une valetaille, mais peut-être, quelque jour, me donnerai-je ce plaisir.

Là-dessus, Foscolo sortit, et je quittai ma cachette. J’étais accablée de désespoir.

— Ah ! me disais-je, j’ai fait le malheur de tous ceux qui ont voulu m’aimer, et l’homme à qui je sacrifiais les autres n’est plus, et j’ignore même sa sépulture !

Je sanglotais si haut que tout le monde se détournait. Deux jeunes gens vinrent près de moi et, trouvant mon chagrin ridicule, éclatèrent de rire.

— Tiens ! fit l’un, Nichina qui s’apitoie sur ses victimes !

— Ou sur ses propres misères, reprit l’autre ; ce doit être son ruffian qui l’a battue.

Comme je traversais la place Saint-Marc, j’aperçus une vieille dame en noir qui me demanda si j’avais des nouvelles du Conseil. Je ne pensai point à ce que j’allais faire ; je lui appris l’affreuse sentence. En entendant le mot galères, elle fut si émue qu’elle tomba sans connaissance. C’était la mère de Fasol. Elle est morte de chagrin, la pauvre vieille ! et le fils de Fasol, n’ayant plus de parents, a été recueilli par les Dominicains.

J’étais allée cacher mon immense douleur dans cette maison de campagne ; je n’y recevais personne, et je passais mes journées à pleurer. Parfois une servante, touchée de mon affliction, s’approchait de moi et essayait de me consoler, mais je la renvoyais à son travail.

— Laisse-moi, disais-je, la meilleure consolation est encore de penser à ceux que l’on a aimés.