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— Alors va-t-en, misérable ! repris-je, sors d’ici au plus vite, que je ne te revoie jamais !

Il était à mes pieds ; il essayait de me prendre la main.

— Oh ! pardonne-moi, disait-il, si tu connaissais la torture que tu m’as infligée, tu aurais pitié de moi !

— Avoir pitié de toi ! meurtrier ! avoir pitié de toi, mais n’est-ce pas déjà se montrer bien miséricordieux que de ne pas te livrer à la justice ?

Il partit en sanglotant. Lorsqu’il passa devant le cadavre de Cecca, il s’agenouilla.

— Pauvre enfant, fit-il, qui es venue te mêler à nos douloureuses passions !

Ce fut un soir abominable, un soir maudit où il me semble que Dieu s’est vengé en quelques moments de tout le bonheur que nous avions goûté sans lui. À peine Fasol était-il parti, à peine, aidée de deux servantes dévouées, avais-je déposé le corps de Cecca sur un lit, en attendant de l’ensevelir, Guido chancela, eut un faible cri.

— Nichina ! appela-t-il.

Et il s’affaissa.

J’eus l’impression qu’on me jetait dans la mer. Je me précipitai vers mon bien-aimé et lui saisis la main. Je pense qu’il a vu mon angoisse ; oh ! oui, car ses yeux, au dernier instant, m’ont dit adieu, avec tant d’amour, avec tant de regret ! mais aussitôt j’ai senti l’effroyable rapidité de la mort qui venait obscurcir son cher regard : on n’avait pas eu le temps de le porter dans sa chambre qu’il n’était plus.

D’abord je ne voulus pas croire qu’il m’avait abandonnée. La vie, jusque-là, m’avait inspiré trop d’espoir pour que je fusse capable de concevoir un