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— Ils ont qu’ils se laissent tous conduire par cette couille molle de Martino de Calabre, par ce frère-sans-poil, comme on l’appelle, qui ne voudrait pas qu’il y eût d’autres femmes que des nonnes sur la terre !… Oh ! je voudrais posséder seulement vingt ducats ! Oui, avec vingt ducats, j’aurais un homme pour assassiner cette canaille !

Puis elle reprit tristement :

— Ce sont mes pauvres cheveux que je regrette ! Je suis sans doute devenue bien laide, que tu n’as pas un petit baiser pour moi.

— Non, Cecca, dis-je, tu n’es pas laide (je ne voulais pas l’attrister, car, avec sa tête rasée, je la trouvais affreuse) ; seulement j’ai donné mon âme ; ne me parle donc plus d’amour ; c’est avec plaisir que je te reçois chez moi, mais à cette condition.

Cecca versa de nouvelles larmes, mais je ne m’en préoccupai pas, et, pour lui bien montrer que tout était fini entre nous, comme Guido s’approchait, j’allai vers lui et l’embrassai devant elle.

L’heure du souper étant venue, nous nous mîmes à table sur la terrasse. Le parfum des fruits, des sauces et des aromates, les belles couleurs des vins, la certitude d’avoir, ce soir-là, un abri, rendirent à Cecca de la gaieté, lui firent oublier sa honte et son malheur. Avec cette impardonnable étourderie qui lui était coutumière, elle alla jusqu’à nous rappeler, à Fasol et à moi, nos aventures galantes.

— Eh bien ! seigneur Fasol, vous devez m’en vouloir…

Heureusement elle comprit le coup d’œil que je lui lançai, et, comme Fasol gardait le silence, elle se tourna vers mon ami, remplit une coupe en son honneur…

— À la santé du seigneur Guido, fit-elle.