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Je ne puis plus marcher. Voulez-vous me prendre jusqu’à la ville voisine ? Dieu vous bénira !

— Ah ! répliqua-t-il, mon cheval a une trop longue route à faire ; je ne tiens pas à le fatiguer.

Mais moi, avec l’audace de celles qui n’ont rien à perdre, je me lève, et, découvrant les seins, l’appelant des doigts :

— Vous aurez votre récompense, dis-je.

Il me regarda un instant, sauta de cheval et m’enlaça de toute sa force. Je regrettai de lui avoir fait signe. Il portait des habits immondes et son visage était pourri d’ulcères.

— Je la veux, ma récompense, et de suite, répétait-il en me salissant le visage de ses baisers.

Et il me renversa sous lui. J’eus l’idée que le brigand ne me donnerait pas le prix de ma complaisance ; alors je me décidai à le lui arracher moi-même. Tandis qu’il m’embrasse, je porte la main à mon poignard, et, soudain, d’une brusque secousse, je le jette de côté, le saisis à la gorge, et lui enfonce, par deux fois, ma lame dans le cœur. Son désir, son étonnement, la promptitude et la sûreté de mon agression ne lui permirent pas de se défendre. Il eut un blasphème, un rugissement étranglé, une convulsion ; puis tout son corps devint immobile.

— Meurs donc ! chien ! fis-je en montant sur son cheval.

Et je m’éloignai au galop.

Le misérable avait bien choisi sa monture. En deux jours, je fus à Venise, où j’arrivai presque aussi fourbue que mon cheval. Je sus bientôt que Guido était très malade et souffrait beaucoup de ses blessures, mais qu’on espérait le sauver. Je voulus le voir. Couverte encore de mes vêtements de voyage pleins de boue et de poussière, je me présentai au palais Benzoni d’où l’on me