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PREMIÈRE PARTIE

LES ANNÉES D’INNOCENCE


Nichina n’est pas le nom de mon baptême, dit-elle, c’est l’amour qui me l’a donné. Je m’appelle Lucina Ferro et je suis la petite fille de Giorgio Senese, qui, pour sa belle conduite au siège de Scutari, a sa place dans les annales de la République.

Je crois bien que mon enfance a vu de terribles spectacles, mais ils se sont évanouis de mes yeux sans me laisser rien dans l’esprit que de confuses images. Je me rappelle toutefois que je fus un soir enlevée de ma couchette par un homme dont les yeux irrités et la longue barbe m’épouvantèrent ; je me rappelle comment ma mère m’arracha de ses bras et quelle frayeur je ressentis devant notre chambre illuminée soudain de torches et envahie de soudards furieux qui brandissaient des épées. Nous avions, paraît-il, quitté Venise et nous demeurions avec des paysans. Je vois encore ma fuite dans la campagne, pressée par ma mère, qui ne semblait pas entendre