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velles se contredisaient. Les rues étaient pleines d’hommes d’armes allemands, espagnols, français, à la solde de la République. J’appris qu’un régiment seul était déjà en marche sur Milan. Le gros des troupes ne partait que le lendemain pour rejoindre l’armée pontificale dans le Plaisantin.

Comme j’allais rentrer chez Morosina, deux soldats allemands, très ivres, m’entourèrent et, me prenant le bras, voulurent m’emmener dans une ostérie. Malgré les coups de pieds dont je les accablais, ces brutes, qui avaient la peau dure comme le fer, n’en continuaient pas moins à m’entraîner, me barbouillant, m’infectant le visage de leurs baisers sordides. Un capitaine florentin, qui passait, me vit me débattre sous leurs caresses et leur ordonna de me laisser tranquille. Ils lui répondirent qu’ils se moquaient de ses commandements et qu’ils n’en feraient qu’à leur tête. Alors le capitaine, mettant l’épée au clair, se précipita sur eux. L’un prit la fuite, l’autre, qui voulut se défendre, se sentant effleuré par la pointe de l’épée, chancela et alla rouler à dix pas.

— Seigneur officier, dis-je au capitaine, je n’oublierai jamais que vous m’avez délivrée de ces brigands. Acceptez cette bague en preuve de ma reconnaissance. C’est un anneau de Saint Georges : il vous protégera pendant la bataille.

— Madame, répondit le capitaine, je suis assez récompensé si j’ai une place dans votre souvenir. Cependant je veux mettre cette bague à mon doigt, non pas que je révère beaucoup les saints, mais parce que vous l’avez portée.

— Ah ! seigneur, on voit bien que vous venez de Florence où il n’y a que des impies et où l’on ne croit à rien.

— On y croit à la beauté, madame, n’est-ce point assez ?