Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/373

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Fasol sortit et demanda des informations aux passants. On lui apprit que le peuple avait incendié le palais Buonvicino, la Banque de la Foi, le palais de la Nichina et tout un quartier du Ghetto. On craignait des massacres de juifs et la République, disait-on, se hâtait de réunir ses troupes de mercenaires.

Fasol revint tout ému du désastre. Pour moi, je ne songeais qu’à la ruine de ce palais magnifique que m’avait donné Moïse et où j’espérais un jour recevoir Guido. Il me sembla que c’était le premier coup porté à ma fortune.

Des meurtres et de nouveaux incendies eurent lieu les jours suivants. Au milieu de ces troubles, Fasol, tout à sa passion, gardait une tranquillité d’âme qui m’était odieuse. Je pensais aux dangers qu’en ce déchaînement de la fureur populaire pouvait courir Guido dans le palais Benzoni, et je ne réussissais pas à calmer mon inquiétude.

Les événements, hélas ! semblaient trop la justifier. Une fois, à souper, une domestique, entendant Fasol me dire que le cardinal était malade, avait interrompu la conversation pour s’écrier :

— Sang du Christ ! je mets un cierge à Ma Dame et à tous les saints si ce succube s’en va prendre la place qui lui est réservée dans l’enfer, à côté de Satan.

— Contre qui en avez-vous ? demanda Fasol.

— Contre le Benzoni, répondit-elle.

— Et pourquoi donc ?

— J’avais un enfant, continua-t-elle, les larmes aux yeux, un petit ange beau comme Jésus… Il voulait être marin, ainsi que l’avait été son père. Ce succube me l’enleva pour en faire un gondolier. Je ne le revis plus. Moi, mauvaise mère, je ne me plaignis pas, parce qu’en me le prenant, il m’avait donné beaucoup d’or. Mais quand je l’ai vu emmener mon cher petit