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bait presque jusqu’à terre. Ses paupières formaient deux poches rouges et plissées.

— Que voulez-vous, me demanda-t-il ?

— Est-ce vous, l’alchimiste ?

— Oui.

— Eh bien, j’ai quelque chose à vous dire.

Le vieillard parut très étonné. Il m’apprit que, depuis plus de vingt ans, personne n’avait eu rien à lui dire, et que j’étais sa première visiteuse. C’est pourquoi il me fit entrer, avec grand respect, dans une salle immense, encombrée, poudreuse, et qui me parut plus sale encore que ses vêtements. Comme il me demandait ce qui m’amenait chez lui :

— Qu’est-ce que vient faire une jeune femme chez un monsieur à cette heure ?

Il se récria.

— Oh ! ma pauvre enfant, vous ne m’avez donc pas regardé ? Ces badinages ne sont plus de mon âge.

J’allai m’asseoir sur ses genoux et, lui caressant sa barbe blanche :

— C’est vrai que vous êtes vieux, mais vous tenez encore bien sur vos jambes.

Il parut flatté du compliment et il eut pour moi un sourire de reconnaissance.

Je devins plus audacieuse.

— Voyons, suis-je une belle fille, oui ou non ?

— Vous n’êtes pas une belle fille, vous êtes l’une des Grâces.

— Si vous me trouvez belle, c’est excellent ; je m’engage, — et cela, je le jure sur le Christ, — je m’engage à vous faire éprouver plus de plaisir que vous n’en avez encore jamais eu, tout en prolongeant votre existence d’au moins vingt années.

Il me regardait avec stupeur, cherchant si je n’avais pas, sur le front, quelque signe infernal.