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Nous arrivâmes enfin à l’ostérie du petit village où nous allions coucher. Fasol se fit servir à souper et mangea en silence sans avoir seulement pour moi un regard. Comme j’avais grand faim et qu’il ne daignait pas s’en apercevoir, j’attirais timidement les plats qu’il laissait devant lui et je prenais ses restes, mangeant avec le plus de lenteur possible pour que nul bruit n’attirât sur moi son attention. Quand il eut fini, il demeura un instant immobile, les yeux fixes, abîmé dans une triste songerie, puis, se levant brusquement, il se dirigea vers la chambre qu’on lui avait destinée et où je le suivis, en tremblant de tous mes membres. Aussitôt que nous y fûmes entrés, Fasol en ferme la porte à clef, se jette sur moi, me saisit les mains :

— Gouge ! s’écrie-t-il, esclave toujours prête à trahir, qui es avec moi ce soir, parce que je suis vainqueur, comme tu serais, si l’on m’avait tué, en compagnie de mes meurtriers, à danser sur mon cadavre !

Les mains serrées dans cette étreinte de fer, la voix étranglée par l’épouvante, maîtrisée dans mon esprit et dans mon corps, je ne savais, pour l’attendrir, que balbutier des mots sans suite, de vaines supplications qu’il n’écoutait pas, emporté par une colère joyeuse et triomphante.

— Ah ! ah ! faisait-il, tu as voulu me mutiler ! À mon tour ! À mon tour ! Je vais mettre ton corps de putain dans un tel état qu’il n’y aura pas un seul ruffian à vouloir l’acheter.

Anéantie par la honte, je le laissai m’agenouiller, me lier les mains au pied d’une table et, le dos courbé, j’attendis le châtiment. Mais je ne m’imaginais pas qu’il dût être si cruel. Ayant détaché ma ceinture pour s’en faire un fouet, m’arrachant ma robe, ma chemise, Fasol me déchira sans pitié. Sous les coups ma rési-