— Arrivabene, repris-je, tu subordonnes toujours à ton plaisir les intérêts de Dieu.
— Mais mon plaisir et les intérêts de Dieu ne sont point opposés.
— Et tu n’as pas de remords ?
— Non, car si ma conduite ne plaisait pas à Dieu il ne la supporterait point.
Après nous être reposés plusieurs heures, nous nous dirigeâmes vers la villa de Madame Nichina.
— Tiens, s’écria Arrivabene, que sont devenus mes oiseaux ? Je les ai oubliés sous les arbres. Ah ! tant pis, nous trouverons un autre nid demain.
— Arrivabene, dis-je, tu dois être toujours heureux.
— Il est sûr, répliqua le moine, que je ne passe pas mon existence à me lamenter. Quand je mange, quand je bois, quand je vois une femme, quand je dors, quand je me soulage le ventre, quand je récite ma prière, je suis heureux.
— Pourquoi mets-tu l’acte de prier après tous des autres ?
— Parce que c’est l’acte que j’ai le moins souvent envie de faire.
— Et quand tu n’en as pas envie ?
— C’est bien simple : je ne le fais pas.
— Et si l’on te donne la discipline, Arrivabene, es-tu heureux encore ?
— Certainement, cela me chatouille le derrière.
— Et si tu es malade ?
— Je ne le suis jamais.
— Mais enfin, si tu l’étais, par hasard ?
— Alors je penserais à mon salut, et je m’imagine que j’aurais une grande joie à l’idée que je vais voir le ciel.
L’ombre se faisait douce sur l’herbe, et seuls les plus hauts feuillages brillaient dans la lumière lorsque