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glantés. Il nous demanda si nous savions où se trouvait le duc. Alors l’idée d’une malice me passa par l’esprit :

— Il est à s’amuser dans le grenier à foin, dis-je en pouffant de rire tandis que Fasol me grondait doucement.

— Seigneur, faisait le domestique en soufflant avec peine, il vient d’arriver un grand malheur : on a trouvé sur la lisière de la forêt le corps du comte Marzio, baigné dans son sang. Il avait un poignard enfoncé dans le côté. Il ne respirait plus… Il faudrait bien tout de suite avertir le duc.

Aux premières paroles, j’avais éprouvé ce saisissement que nous causent les actes irréparables, qu’un moment notre volonté eût prévenus et que sa négligence a laissés s’accomplir. Et, pareille à ces naufragés attendant que leur navire rompu s’abîme dans la mer, je me demandais quelle catastrophe nouvelle allait survenir, assurée désormais d’être comprise dans quelque singulier désastre.

Les membres glacés, presque défaillante, ils m’avaient entraînée jusqu’au vestibule où gisait, sous un manteau en loques, le cadavre du comte Marzio. J’aperçus une face verdâtre dont tout un côté, souillé de sang, était devenu noir ; la bouche tordue suintait, laissant à découvert des dents horribles. Et je me penchais sur cette destruction, cédant à je ne sais quelle étrange curiosité, sans doute à cet attrait de la mort qui agenouille les vivants sur les tombeaux.

C’est alors que s’éleva tout à coup une plainte ; puis un bruit de meubles renversés, d’une poursuite féroce retentit au-dessus de nous. Nous montions l’escalier en toute hâte lorsque Paola apparut en chemise, les yeux égarés, les gestes fous, prête à s’élancer