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vous, suivant vos affections et vos antipathies, vous frappez au hasard, et, sans vous occuper d’atteindre les vrais coupables, vous multipliez les austérités, vous vous plaisez à faire de vos moines, non pas des pénitents, mais des galériens qui ne songent qu’à s’enfuir au plus tôt de votre monastère, comme ce frère Donato…

— Ah ! celui-là, interrompit Romuald, ce n’était pas un moine, mais un misérable, un monstre de lubricité, un assassin !

— Vous l’avez pourtant reçu dans votre couvent ?

— Par charité, monseigneur. Mais je m’en repens bien.

— Donato n’est sans doute pas le seul moine de son espèce à Notre-Dame-des-Bois. Je sais que vous aimez accueillir à la fois chez vous des criminels avérés et des moines d’âme indépendante qui, plutôt que de se conformer à renseignement et aux pratiques imposées par l’Église, se font à eux-mèmes une religion. Or, sachez-le, mon père, les criminels ne se repentent pas, ils se reposent. Quant à vos orgueilleux frères, tôt ou tard ils finiront par renier leur loi et par fonder une nouvelle hérésie. Vous, cependant, vous assistez d’un œil indifférent aux luttes incessantes qui s’élèvent dans votre monastère, et ceux qui vous demandent d’abolir la règle comme ceux qui vous prient de la modifier, vous trouvent également sourd. Il semble que vous ne deviez vous occuper de rien en ce monde, en dehors de vos dévotions mesquines et de vos opérations mercantiles.

— Monseigneur ! s’écria le père Romuald, indigné.

— Je connais votre goût pour les humiliations. C’est pourquoi je ne vous les ménage pas, songeant avant tout à votre plaisir. Certes ! je n’ai point l’âme d’un réformateur et je vous laisse le soin de donner à vos moines des sandales ou de leur prescrire de marcher