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mais sa voix, formée à la prédication et au commandement, était ferme et bien assise. Il disait :

— Comme je suis heureux ! monseigneur, comme je suis heureux de vous savoir parmi nous ! Vous verrez combien Dieu favorise cette maison depuis que, sous de pieuses disciplines, je prépare les recrues du Ciel !

Nous entrâmes enfin. Nous dûmes passer un à un sous la double inspection du père Romuald et du petit frère.

Semblables de physionomie, de tournure, on remarquait, chez tous deux, un tel mélange de vieillesse sautillante, d’enfance solitaire et refrognée, qu’on n’eût su dire s’ils avaient douze ou soixante ans.

Sous le froc, mes hanches et ma poitrine restaient peu monacales, et le petit frère fronça le sourcil en les considérant. Puis, — fut-ce avec intention ou sans le vouloir ? — il m’effleura les jambes de ses gros doigts où l’ongle, rogné très bas, disparaissait dans la peau brune et durcie. À un moment même, je les sentis se promener au bas de mes reins.

— Ah ! m’écriai-je, finissez !

J’avais tout à coup oublié mon rôle d’homme ; je laissais éclater le rire que ce chatouillement me causait, enhardie par les yeux du petit frère, qui me paraissaient pleins d’indulgence pour ma gaieté, mais j’observai que le reste de sa figure demeurait sérieuse, et, cinq ou six fois, il hocha la tête, lentement et d’un air indigné.

Le père Romuald, sans nous donner le temps de respirer, se plut à nous faire visiter son monastère. Nous traversâmes de longs corridors.

— Ici, répétait le père, l’Esprit Saint souffle de toutes parts.

— Dieu ! m’écriai-je, qu’il sent donc mauvais !