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gieux et leur règle, toutes ses malédictions. Mais soudain, en route, nous croisâmes Arrivabene. Le moine, qui avait retrouvé sa jument, arrivait au petit trot en poussant des cris de triomphateur :

— Me voilà ! me voilà ! criait-il.

Apercevant au loin, au milieu des feuillages de l’avenue, la suite du cardinal, il sauta lestement à terre, puis se frotta les reins. Fasol, à sa vue, changea de résolution. Il descendit de cheval, m’en fit descendre moi-même, et, prenant par le bras Arrivabene, il le conduisit derrière un grand chêne dont le tronc et les vastes branchages nous cachaient à tous les yeux.

— Arrivabene, lui dit-il, tu vas me rendre service.

— Je suis à vos ordres, seigneur.

— Il s’agit d’être plus charitable que saint Martin lui-même et de me donner non pas un pan de ton manteau, mais ta robe tout entière.

— Seigneur, il m’en coûte beaucoup de vous refuser, mais cette robe a un caractère sacré : je ne puis la quitter sous aucun prétexte.

Fasol tira de sa bourse un ducat d’or et le fit étinceler au soleil.

— Voici de quoi t’offrir une bouteille de vieux vin et la plus belle tétonnière du pays.

Nous vîmes s’agrandir les yeux du frère.

— Je suis au désespoir, seigneur, mais…

— Tu n’as pas assez d’un ducat, c’est bien ! je t’en donne deux. Seulement déshabille-toi promptement et ne nous fais pas attendre.

Arrivabene secouait la tête. Il finit toutefois par prendre les ducats, les mit entre ses dents, puis, troussant son froc, il se le passa par-dessus la tête et nous le tendit. Fasol considérait l’obèse et tremblante nudité que le frère nous exposait.