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— Ne vous inquiétez pas ! Je n’ai point de mal, point de mal !

Mais chacune de ses paroles semblait augmenter la violence des lamentations bruyantes et mystérieuses qui venaient de s’élever. À force de chercher d’où elles provenaient, nous finîmes par découvrir, assises sur le bord de la route, deux paysannes qui, pour pleurer à leur aise, avaient relevé leur robe sur leur visage, découvrant ainsi des jambes jaunes comme du vieil ivoire. Par leur teint et leurs vêtements, ces femmes se confondaient avec la terre, dont elles avaient la couleur.

Quand elles aperçurent le moine, elles laissèrent retomber leur jupe, se relevèrent et firent voir, l’une près de l’autre, une mine pointue et une trogne bouffie également arrosées de larmes, qui lustraient la peau de la grasse, que buvaient les rides et les crevasses de la maigre.

— Monstre ! s’écrièrent-elles.

Et la grosse paysanne, le menton perdu, le geste embarrassé par une chair qui se présentait comme un rempart, se lança sur Arrivabene, qui reçut avec terreur le double abordage de cette abondante poitrine.

— Quel diable vous travaille donc les flancs, sorcières ! dit-il.

— Regarde ton ouvrage ! répliquèrent-elles en même temps.

Du doigt, elles lui montrèrent un tout petit corps d’enfant étendu à leurs pieds dans une bouillie sanglante. Arrivabene, après un instant de surprise, était redevenu fort calme.

— Eh bien ! est-ce ma faute ? répliqua-t-il.

— Il le demande ! firent-elles toutes deux en échangeant un coup d’œil indigné.