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convenable pour le voyage. Mais, je le vois bien, vous me laissez ce soin.

En effet, appelant lui-même un valet, le cardinal lui ordonna de me céder son cheval et de me tenir l’étrier. Furieuse de l’humiliation que m’avait infligée Fasol, j’avais soif de me venger sur quelqu’un et, pour m’asseoir en selle, je m’appuyai brusquement de tout mon poids sur la main du domestique. Le malheureux se retira en poussant un cri et s’éloigna la tête basse, après m’avoir lancé un regard féroce.

— Que je te retrouve seule ! murmura-t-il, et tu verras, salope, tu verras si cette main, que tu as écrasée, ne saura pas un jour proprement t’étriper.

Cette cruauté absurde révolta Fasol. Pour m’en punir, il me saisit les doigts et me les serra si étroitement que je hurlai de douleur.

— Toi ! m’écriai-je avec rage, tu me paieras tout cela !

Fasol haussa les épaules avec mépris.

Cependant le cardinal éperonna son cheval, et nous nous élançâmes à sa suite. Mon cheval, solide, bon marcheur, était admirable d’allures et de formes. Je ressentais le plus vif plaisir à presser les flancs de cette belle bête et à bondir sur elle, grisée par le vent de la course, les cris des cavaliers, l’odeur des campagnes, la rosée étincelante et diaphane au soleil du matin. Ma fureur se dissipait dans le ciel clair. Toute à ma satisfaction du moment, j’arrangeais les événements à ma guise ; je pensais qu’affranchie des soupçons du cardinal, qui ne m’avait point devinée sous mon voile, il me serait aisé de voir Guido.

Comme nous avions ralenti notre course en montant une côte, je jouissais de l’ardente vigueur de mon cheval, de ses façons de grand seigneur, de ses manières brusques de secouer la tête et de mordre