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dans l’attitude ni dans la physionomie de Monseigneur, n’indiquait la moindre anxiété, du moins l’air chagrin et réservé de l’abbé Coccone laissait deviner une catastrophe. Quand on annonça le départ du cardinal pour Posellino, sur les frontières de la Romagne, tout le monde crut à son rappel ; mais il s’en allait seulement, en compagnie du provéditeur Toderini, chasser dans un fief du Saint-Siège, appartenant au comte Marzio et administré par le tuteur du jeune homme, le duc Gacialda.

— De peur de s’ennuyer, me dit Fasol, le cardinal se fait suivre de tous les officiers de sa maison : il me demande de l’accompagner.

— Et tu y consens, n’est-ce pas ? m’écriai-je avec une colère feinte.

Alors, comme Fasol ne répondait rien :

— J’en étais sûre, cela ne te coûte point de laisser ta femme toute seule : les vachères de Posellino ont tant de charmes !

— Mais je suis forcé d’accepter l’invitation du cardinal. Que veux-tu donc que je fasse ?

— Que tu m’emmènes, répliquai-je.

Pendant que je parlais à Fasol, l’image de Guido était devant mes yeux ; je le voyais tel qu’il m’était apparu le soir de la fête, et, à la pensée que je pourrais être près de lui le lendemain, je ne contenais pas mon impatience. Mais Fasol se refusait à ce voyage, de peur que ma présence ne choquât le cardinal. Moi qui avais d’autres risques a courir, je ne redoutais plus rien. Pour fléchir Fasol, je m’abaissai jusqu’à le supplier à genoux. Ma honte fut inutile.

— Puisque tu ne veux pas m’être agréable, dis-je, n’espère plus rien de moi.

Et je m’enfermai dans ma chambre où je passai la nuit, refusant même, le lendemain, de lui dire adieu.