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j’en avais d’abord ressenti une grande joie, mais les attitudes qu’il me forçait à prendre durant des heures m’enlevèrent tout mon plaisir. Parfois je n’en pouvais plus d’impatience, de gêne, de fatigue ; j’avais envie de lui cracher à la face, et cependant je contenais ma colère qu’il ne pouvait deviner qu’à mon visage et à mon silence.

Sa maison était comme un monde où se trouvaient réunis les choses et les êtres les plus disparates : des richesses princières et des loques. S’il rencontrait un petit mendiant ou une pauvre fille dont le visage lui plaisait, il l’emmenait chez lui. Les chats, les lévriers se promenaient dans toutes les chambres ; des oiseaux apprivoisés volaient dans les tentures ; on rencontrait des enfants qui dormaient par terre ou des femmes qui mangeaient sur les lits. Je ne pouvais souffrir ce désordre :

— Moi, disait-il, j’aime toutes les choses de la vie.

Il mêlait si profondément l’amour à son œuvre qu’on ne savait s’il désirait la femme pour l’inspirer, ou s’il ne cherchait dans l’art qu’un prolongement de jouissance.

Souvent, il se jetait sur les filles qui lui servaient de modèles et, hurlant de passion, les renversait au milieu de son travail ; d’autres fois, il se levait du lit au moment où je croyais qu’il voulait m’enlacer, et il allait chercher ses pinceaux parce qu’il avait vu sur mes lèvres une jolie lumière.

Il m’arriva de le surprendre avec l’une des nymphes de Diane. Folle de rage, je brandissais un bâton pour leur rompre les jambes à tous deux, mais Fasol se tourne vers moi et m’arrête le bras :

— Laisse-nous, dit-il, qu’il te suffisse d’être la plus belle et la plus aimée.

Et il me mit assez rudement à la porte. J’allai