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sa clémence et pour se prouver, à grand fracas, qu’il a oublié l’injure du vénérable malfaiteur. Voici un vieillard qui lui présente une coupe de vin ; autrefois, lorsque le brigand passait enchaîné au milieu des Zaffi, peut-être lui a-t-il craché au visage ; aussi tient-il à présent à lui donner une compensation.

Les jeunes femmes s’étaient mises, comme moi, à la fenêtre.

— Messer, cria Fenice à mon ami, est-ce que vous êtes allé à la collation ?

— Oui, dit-il, j’ai trop jeûné autrefois pour perdre aujourd’hui la moindre occasion de satisfaire ma gourmandise.

— Et la fête a été belle ?

— Pour quelques-uns, car des dames ont levé la jambe et se sont montrées fort charitables de leur vertu.

— Oh ! fit Orsetta, on a dansé et nous n’y étions pas !

— Comment, mesdemoiselles, reprit Michele, vous allez être déesses ce soir et vous ne voulez pas, si peu que ce soit, payer votre divinité ? Croyez bien d’ailleurs que, s’il y eut au Lido des scènes pleines de grâce, il y en eut aussi qui ne furent point agréables à voir. Arrivabene, le moine du palais Benzoni, pris de vin, est tombé dans le canal…

— Que cela devait être drôle ! fit Orsetta.

— Est-ce qu’il s’est noyé ? demanda Fenice. Et, à l’idée de cette grosse masse de chair plongeant tout à coup dans l’eau, elles eurent un frais éclat de rire.

— Non, il ne s’est pas noyé ; on l’a retiré aussitôt, mais il s’est mis à secouer sa robe trempée sur les habits de fête des dames qui, dans leur colère, lui ont