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— As-tu jamais vu des yeux comme les siens ?

— De beaux yeux de crapule !

— Des yeux de divinité. Puis je ne sais pas ce qu’il a en lui, mais, s’il s’approche de vous, s’il vous met seulement les lèvres sur les vôtres, c’est à vous faire trembler, à vous faire défaillir de jouissance.

— Cochonne ! En as-tu du vice ! Alors, tu l’aimes pour ça ?

— Oui, et après ? Est-ce que ça me fait quelque chose, à moi, qu’il ait été capitaine comme il le dit ou ancien galérien comme on le raconte, qu’il ait assassiné Pierre ou Paul ou qu’il se soit, tout jeune, acheté une conduite, quand il a cette façon de vous baiser la bouche… Tiens, comme ça, Fenice… C’est bon, oh ! c’est bon !… Est-ce que tu ne te sentirais pas prise tout de suite par ces extraordinaires, par ces ensorceleurs, par ces diaboliques yeux ?

— Orsetta, je ne te dis qu’une chose : on a des mœurs. N’est-ce pas honteux pour tes voisins d’entendre la vie que tu mènes. Ils disent que, lorsqu’il te bat, tu pousses des cris si perçants qu’on n’entendrait pas le tonnerre.

— C’est vrai : on se chamaille des fois ; on n’est pas des anges. Mais ça se passe ainsi dans tous les ménages

— Voilà pourquoi je laisse les hommes à qui veut en prendre. Tiens ! Orsetta, l’amour ne vaut pas un bon verre de Malvoisie. Tu verras ce qui t’arrivera, en compagnie du beau messer que tu t’es mis sur le ventre.

— Qu’est-ce qui m’arrivera ?

— On te fourrera dans une prison toute noire et toute froide, pour que tu y pourrisses comme le chanvre que l’on met à rouir ; on te déchiquettera la peau à coup de verges et ton dos aura la couleur des vian-