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reuses pour leur montrer le prodige, s’amusant de les voir rougir et détourner la tête avec un rire embarrassé.

— Voilà qui n’est guère honnête, ma fille, dit Morosina. Autrefois on n’eût jamais toléré une pareille indécence d’Égypte.

J’allais lui répondre, lorsque je fus saisie aux hanches et qu’un lourd baiser m’écrasa les lèvres.

— Rustre ! criai-je, en me retournant, ivre de colère, et je lançai derrière moi un coup de poing au hasard.

Je ne dus point manquer mon galant, car deux mains énormes se levèrent aussitôt ; j’attendis les claques en clignant des yeux, mais deux hommes avaient paré le coup, et prenant ma défense, s’étaient jetés sur mon agresseur, tandis qu’autour de moi on louait ma violente riposte.

— Bravo ! bravo ! la belle fille.

— Venez, mon enfant, me dit la comtesse avec un soupir, sans d’ailleurs hâter sa marche. Aujourd’hui, même en plein soleil, les rues de Venise ne sont pas sûres pour les pauvres femmes !

Après avoir déjeuné très vite dans une petite ostérie, au milieu d’un tapage de Jugement dernier, nous fûmes encore retenues par les danses qui avaient lieu devant la porte et où gentilles dames, filles du peuple, courtisanes fraternisaient, rivalisaient d’entrain et de gaieté. Je fus bien obligée de faire avec les autres ma partie de tordions et de jambes en l’air. Échauffée par le mouvement, le plaisir, la joie de mes voisines, je me divertissais tout mon soûl, et mes joues devaient être sans doute jolies avec les fossettes que le rire y creusait, et le rouge qu’y mettait l’animation des danses, car de hardis jeunes gens venaient à la dérobée les effleurer de leur bouche mal-