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Je me vois encore à ma toilette ce matin-là ! Quelle joie j’éprouve à revêtir cette robe de soie fine et argentée, qui laisse transparaître mes formes, se colle aux plis de mon corps, accuse les réserves ou les débordements de ma chair, ici met un voile, là une caresse, pour enfin, par un jeu voluptueux, me découvrir ailleurs tout à fait : la robe de Vénus !

— Ah ! dit Cecca, je ne voudrais pas me montrer comme cela : les hommes aujourd’hui n’auront pas besoin de payer pour te voir !

La comtesse, Cecca, Michele, les servantes, le coiffeur, tous se tenaient autour de moi pour m’aider ou me contempler. En petite reine capricieuse, j’avais pour eux des tendresses et des violences.

— Allons ! Tonina, que faites-vous là ! Vous ne comprenez donc pas que vous gênez le coiffeur ? Felippa, cherchez donc le flacon de zibetto. Morosina, vous seriez bien aimable de m’apporter votre poudre musquée.

Devant le miroir, au milieu de ce va et vient de jupes empressées, j’étais devenue solennelle comme si j’avais marié ma sœur.

— Ah ! madame, dit le coiffeur qui recula de trois pas pour juger de son œuvre, sainte Chasteté elle-même renierait ses vœux en vous apercevant.

Alors, souriante et apaisée, je me tournai vers Cecca qui me mangeait des yeux.

— Toi, fis-je, tu es trop gentille.

Et j’interrompis ma toilette pour lui donner un baiser, tandis que les servantes souriaient entre elles en clignant de l’œil.

Je partis enfin et je me dirigeai vers le Rialto, d’où le cortège devait se rendre à Saint-Marc par la Mercerie. Partout sur mon passage, j’entendais l’exclamation : Belle ! Belle ! qui s’élevait des lèvres comme