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Cette déclaration me la rendit considérable et augmenta ma timidité. Toutefois, comme elle me pressait vivement et de l’air le plus sympathique, je finis par lui conter mes aventures, en évitant, bien entendu, de mentionner le bouge de l’Arsenal et la nuit que j’y avais passée. Lorsque j’eus terminé mon récit :

— Vous m’intéressez, me dit-elle. Vivre sans mari, sans enfant, est cruel à mon âge. J’ai besoin d’avoir une jeune fille près de moi. Vous êtes belle, je vous sens bonne, je vous crois intelligente. Je vous demande donc de rester dans cette maison. Vous n’aurez pas à vous plaindre : je serai votre seconde mère.

Tant de bonté m’émut jusqu’aux larmes. J’appuyai la tête sur le bras de la comtesse et je sanglotai. Elle m’écarta doucement, s’essuya la manche, que mon visage poudreux avait effleurée, puis, pour me tenir compagnie, se mit, elle aussi, à sangloter.

Bientôt nos gémissements devinrent si bruyants, qu’à les ouïr, on eût pensé que nous souffrions les plus barbares supplices. Nous y allions toutes deux de bon cœur, lorsque j’entendis un pas dans l’escalier. Ma confidente cesse subitement ses lamentations, prête l’oreille, et, à la hâte, me recommande la conduite à tenir.

— Ne pleurez plus, voici un de mes parents d’Espagne qui aime les joyeux visages. Il est pourtant d’humeur assez farouche et fuit le monde. Aussi serait-il ennuyé de rencontrer des étrangères chez moi. Ne vous étonnez donc point de ce que je vais lui dire. Je puis faire votre fortune, mais vous devez m’obéir, me seconder, et vous prêter aux innocents mensonges auxquels la destinée m’oblige.

Elle achevait à peine, que la porte s’ouvre avec violence et une sorte de petit tonneau, ayant une