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ciements, je sortis, fripée, salie, malade, écrasée de honte.

Dehors, je n’osais regarder personne ; les yeux qui se fixaient sur moi me semblaient pleins de reproches ou de railleries. L’humiliation avait rendu mon âme haineuse. Me rappelant que j’avais un petit couteau sur moi, je l’ouvris. Si j’aperçois l’abbé ou le cardinal, me dis-je, je me jetterai sur eux et je les tuerai. Qu’on me tue ensuite moi-même si l’on veut : cela m’est indifférent. Et à tous les hommes que je rencontrais je lançais le même regard d’horreur et de défi. Puis, au milieu de ma douleur, je me souvins de Guido, je pensai à son beau regard sombre, à ses cheveux que je prenais tant de plaisir à caresser. Ah ! s’il avait voulu de moi, avec quelle joie je me serais offerte à lui ; de sa part toute violence m’eût semblé douce ! mais à présent je ne pouvais plus rien espérer que son mépris.

Comme mes larmes coulaient en abondance et que je craignais de montrer ma peine aux passants, j’entrai dans l’église de Saint-Jean-de-Bragora, et, m’agenouillant près de la grande porte, à la place des pauvres, je sanglotai dans l’ombre tout à mon aise. Soudain un jeune prêtre passa près de moi et me donna une petite tape sur la joue.

— Eh bien ! fit-il, qu’a-t-on à pleurer ?

— Ah ! messer, je suis si malheureuse !

Il s’était arrêté et me considérait en souriant.

— Est-on malheureux quand on possède une aussi jolie frimousse que la vôtre ?

Mais, voyant une dame qui traverse l’église, il me quitte en me chuchotant à l’oreille :

— Venez dans la sacristie tout à l’heure. Vous me conterez vos chagrins et j’essaierai de vous consoler.

Je n’avais retenu qu’une parole : il avait dit que