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— Je voudrais savoir lequel de nous deux est l’eunuque en ce moment. Ah ! si j’avais ce qu’on m’a enlevé, vous verriez si je suis un homme !

— Sainte Vierge ! dit Madame Petanera qui se plaisait à interrompre la conteuse, qu’une médaille pareille m’eût servi dans ma profession ! L’avez-vous encore, mon amie ?

— Je ne la quitte jamais, fit Nichina, tenez, la voici.

Et Nichina montra une petite rondelle de cuivre doré où se voyaient, d’un côté, l’image de sainte Agnès, de l’autre, celle de la Vierge portant Jésus dans ses bras.

Madame Petanera mit un baiser sur la médaille, ce que voyant, la vieille mère de la Nichina, qui n’était jamais en reste quand il s’agissait de dévotion, après s’être informée de ce qu’on baisait, s’approcha, fit un grand signe de croix, s’agenouilla et aspira longuement de ses lèvres tendues le cuivre vénéré. Ensuite, décollant sa bouche avec un bruit incongru, sans perdre un instant, elle revint à son ouvrage.

— Je compte, dit Nichina, en accrochant la médaille à son corsage, la donner, quand je mourrai, à la confrérie de sainte Agnès, protectrice des vierges et qui m’a sauvée d’un Maure.

Hélas ! reprit-elle, pour avoir échappé à un danger, j’avais encore à en affronter un plus redoutable. La petite embarcation où l’on me fit descendre avec les deux matelots espagnols pouvait à peine tenir la mer