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puisque tu les as oubliées : « Il y a dans ceci des signes pour ceux qui ont de l’intelligence. »

— Et moi je vous répéterai celles-ci : « Il ne leur a été ordonné que d’adorer un seul Dieu. Loin de sa gloire les divinités qu’ils lui associent. » Une amulette ! voilà maintenant que vous adorez une amulette, l’amulette d’un chrétien !

— Tu ignores le pouvoir des talismans, Josouff. Si tu étais instruit, tu saurais que chaque religion a ses vertus spéciales.

Je m’étais relevée, puis rajustée ; je voyais enfin le péril que je venais de courir lorsque je n’avais plus à le craindre.

Les deux hommes commencèrent à parler avec animation dans une langue que je ne comprenais point, et Josouff répéta en vénitien :

— Que va devenir cette fille à présent ?

— Je vais la débarquer au plus vite.

— Par un temps pareil ?

— Je t’ai déjà dit qu’elle est protégée par Allah… Voyons ! qu’on mette une embarcation à la mer. Les deux marins espagnols la conduiront à Venise.

— C’est ainsi que vous sacrifiez des hommes ?

— Je sacrifie une barque pour sauver le navire !

Au moment de sortir, Josouff se ravisa.

— Et les soixante ducats de ma bourse que je vous ai prêtés pour acheter cette fille ?

— Tu les perdras, canaille ! Cela est juste : Pourquoi m’as-tu amené un cou à médaille ?

Josouff, ivre de colère, se planta, les bras croisés, devant le capitaine, mais Schifkat se contenta de sourire.

— Tu veux peut-être me tuer, dit-il, fais-le ; seulement qui dirigera le navire ? Est-ce toi, eunuque !

Ce mot cingla l’esclave comme une lanière, mais, ayant maîtrisé sa fureur, il sortit en disant :