Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maison. Il m’est impossible de te recevoir. D’ailleurs je connaissais la Carlona : que l’on trouve chez elle de mes lettres, les zaffi peuvent venir ici ; tu compromettrais ma vie sans sauver la tienne.

— Tu allais chez Carlona ?

— J’y suis allé comme les autres, comme tout le monde. Elle se le serait fait mettre par le lion de Saint-Marc s’il l’avait eu en chair !

— La vache ! la vache !

— Puisqu’elle n’est plus, Lorenzo, souhaite-lui maintenant le Paradis.

— Liello, dis-je, je veux causer avec toi, j’ai absolument besoin de causer avec toi.

— Un autre soir, mon ami, un autre soir.

— Et où vais-je passer la nuit ?

— Cela te regarde, vieux Lorenzo. Je ne me mêle pas des affaires des autres. Tu devais bien savoir qu’on ne joue pas du couteau sans répandre de sang. Mais il me semble qu’à ta place, je ne serais pas embarrassé. Ne connais-tu pas le secrétaire du légat, l’abbé Coccone. Il peut t’être plus utile que moi. Tu sais quelle est son autorité dans la république. Allons, bonsoir ! bonsoir ! et que la Vierge te protège !

Là-dessus, il ferma la porte.

Je fus indigné contre Liello. Je lui eusse à la rigueur pardonné de ne pas m’avoir reçu, mais je ne pouvais souffrir qu’il se fût vanté d’avoir eu la Carlona, quand, je suis sûr, avant cette fatale soirée, elle ne me fut jamais infidèle. D’ailleurs je ne reconnais à personne le droit de manquer de respect à sa mémoire. C’est un plaisir qui m’appartient.

L’instinct de conservation, peut-être aussi la joie de raconter ma vengeance, m’avaient seuls conduit chez Liello. Je n’avais d’abord nul remords, nulle crainte. Quand je me vis renvoyer par cet ancien ami,