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— Et lorsqu’il sera guéri ?

— Lorsqu’il sera guéri, nous verrons : c’est un garçon dont on fera quelque chose.

Le cardinal m’avait donné mon congé ; l’abbé Coccone me le signifia lui même : je dus me disposer à partir dans une heure.

Comme je rassemblais mes vêtements, désespérée de quitter ce palais où je laissais Guido, j’entendis, d’une salle voisine du vestibule, une discussion s’élever entre le cardinal et l’abbé, discussion où mon nom revint plusieurs fois. Je prêtai l’oreille. La conversation, après s’être continuée quelques instants à voix basse, se haussa bientôt jusqu’à un ton ardent et emporté. Je surpris les dernières paroles.

— Il n’y a pas de doute à avoir, disait Coccone, mes informations sont exactes : c’est bien l’enfant de Francesca Ferro. Sa mère l’a cherchée longtemps et c’est un hasard qu’elle ne l’ait pas rencontrée. Que Nichina retourne chez ses parents, comme on doit le supposer, qu’elle leur apprenne l’humiliation de son renvoi, les insultes qu’elle a reçues ici ; la haine que Francesca vous porte s’avivera encore ; elle en armera son enfant qui, vous le savez, ne brûle point d’un grand amour pour vous. Vous avez le droit, il est vrai, de la dénoncer, comme sacrilège, au Saint-Office, mais sa confrontation avec le frère Gennaro, qui alors est inévitable, sera très compromettante pour vous, tandis qu’elle possède assez de grâces et de hardiesse pour séduire vos collègues et se sauver elle-même. Songez à tout ce que peut la haine d’une belle fille, monseigneur ! Il faut prendre garde à vos ennemis. Ils ont, en ce moment, la confiance de Sa Sainteté ; même à Venise vous devez être sur la défensive : le peuple vous déteste, et, parmi les nobles, votre crédit diminue. Le scandale peut éclater à la